Ce film ayant défrayé la chronique _linuxfrienne_, un petit compte‐rendu s’impose après l’avant‐première à Paris le 20 juin, qui a réuni tout le gratin du Libre francilien (ou presque), entre autres. Dans la salle, quasiment pleine, se trouvaient en effet aussi une bonne part de personnes a priori non libristes, qui forment le « public‐cible » du film pour tout dire. Est‐ce à dire que les libristes n’ont aucun intérêt à voir ce documentaire ?
Qu’est‐ce que ça raconte ? ========================== Le documentaire n’est constitué que des interventions de quatorze personnes d’horizons variés, illustré de citations de films que les cinéphiles reconnaîtront sans doute à coup sûr. Pas de musique parasite, pas de présentation (en voix off ou pas), pas d’introduction par un présentateur ou une présentatrice, pas de questions posées, pas de texte rajouté. Les intervenants s’expriment en français, à l’exception de Richard Stallman qui parle en anglais (sous‐titré en français).
Vu comme ça, on se dit que tenir 57 minutes ça risque d’être dur et, pour tout dire, ennuyeux, voire plus.
En fait, non.
Les interventions qui, manifestement, ont chacune été prises en une seule fois en « décor naturel » sont découpées en sept chapitres, dans l’ordre d’apparition : l’ordinateur, le logiciel, le code source, logiciel libre et logiciel non libre, la communauté, l’Éducation nationale, la sécurité, la sécurité de l’État. Entre chacun des grands thèmes, un écran donne le nom du thème abordé et c’est tout.
On retrouve par exemple Pierre‐Yves Gosset de Framasoft et Magali Garnero s’exprimant dans la librairie de Magali, Richard Stallman s’exprimant en anglais et sous‐titré, Marie Duponchelle (April) dans son bureau d’avocate, Frédéric Couchet (April) devant les locaux de l’April en plein soleil, Henri Verdier (alors patron de la DINSIC) dans son bureau, visiblement par temps pluvieux, ou encore Jean‐Baptiste Kempf (Videolan).
Évidemment, on n’a pas à chaque fois quatorze interventions sur chacun des grands thèmes, mais des interventions dans les zones de compétence des intervenants et des intervenantes. Les interventions des uns et des unes enrichissant, complétant, précisant ou éclairant les interventions des autres.
Tout cela dans une langue française claire, donc pas de jargon, de klingon, de globish, de discours creux ou _startupien_. Pas non plus de vulgarisation bébête et au ras des pâquerettes (et donc forcément fausse). Déjà ça fait du bien, mais surtout, à la fin, on (en tout cas moi) se dit « ah, c’est déjà fini ! ».
Les personnes interrogées ========================= - Grégory Bécue, directeur général de Smile, Stratégie et Développement ; - Véronique Bonnet, vice‐présidente de l’April, professeur de philosophie en classes préparatoires ; - Pierre Boudes, maître de conférences en informatique à l’Université Paris 13 ; - Frédéric Couchet, membre fondateur et délégué général de l’April ; - Pierre‐Yves Dillard, salarié fondateur d’Easter-eggs ; - Marie Duponchelle, avocat, auteur du livre _Le droit à l’interopérabilité_ ; - Magali Garnero, libraire militante à l’April et à Framasoft ; - Pierre‐Yves Gosset, directeur délégué général de l’association Framasoft ; - Jean‐Baptiste Kempf, président de VideoLAN ; - François Pellegrini, professeur à l’université de Bordeaux, chercheur au LaBRI & Inria ; - Emmanuel Raviart, développeur et assistant parlementaire ; - Laurent Séguin, président de l’AFUL ; - Richard Stallman, ancien développeur de systèmes au MIT, fondateur du mouvement du logiciel libre ; - Henri Verdier, DINSIC — Directeur interministériel du numérique et du système d’information et de communication de l’État.
Les entretiens sont en français, à l’exception de celui de Richard Stallman qui est en anglais sous‐titré en français.
Si l’on est libriste on en tire quelque chose ? =============================================== Définitivement oui. Par exemple, Magali Garnero a une façon lumineuse de parler de l’audit du logiciel libre et qui permet des mieux comprendre ce que cela signifie concrètement pour un logiciel (libre ou non). Par exemple, également, plusieurs des interventions expliquent aussi en quoi le terme « privateur » est adapté aux logiciels non libres et de quoi ils privent les utilisateurs.
Par exemple, Richard Stallman explique les fameuses quatre libertés d’une façon plus « vivante » que celles rabâchées par cœur dans le monde libriste.
Autre exemple, le même Stallman explique le problème des DRM et des liseuses Kindle, notamment en matière de protection de la vie privée.
Ou encore Laurent Séguin (AFUL) raconte qu’il n’a pas de compte Facebook, mais qu’il y est tout de même par le biais de l’application Facebook qu’utilise son entourage.
En tant que libriste, on en tirera des arguments auxquels on n’avait pas pensés ou encore des façons d’expliquer. Et le fait que ça ne soit pas un film militant le rend encore plus intéressant et utile puisqu’il apporte un regard plus distancié.
Quelques retours :
- Frédéric Couchet(https://linuxfr.org/users/mad) (interviewé dans le documentaire) : « Un très beau boulot de l’équipe. Pour la diffusion, elle cherche festivals, salles de cinéma, télés… N’hésitez pas à faire tourner et à contacter Gigowatt Film » (sources : 1(https://pouet.couchet.org/@frederic/102308696016523594) et 2(https://twitter.com/fcouchet/status/1141990799552462849)). Rappelons au passage l’entretien avec François Zaïdi(https://media.april.org/audio/radio-cause-commune/libre-a-vous/emissions/20190611/libre-a-vous-20190611-interview-francois-zaidi-realisateur-documentaire-lol-logiciel-libre-une-histoire-serieuse.ogg) réalisé dans l’émission « Libre à vous ! » sur Radio Cause Commune (transcription(https://april.org/libre-a-vous-radio-cause-commune-transcription-de-l-emission-du-11-juin-2019#Interview_de_Francois_Zaidi_realisateur_du_documentaire_LOL_-_Logiciel_libre_une_histoire_serieuse)) ; - François Pellegrini(https://linuxfr.org/users/pelegrin) (interviewé dans le documentaire) : « Hier soir, présentation en avant‐première du documentaire _LoL : Logiciel libre, une affaire sérieuse_, créé par Thierry Bayoud, Léa Deneuville et François Zaïdi. Plein de gens bien qui parlent dedans, et votre serviteur aussi. ;-) » (source(https://twitter.com/FrPellegrini/status/1142063861551587328)) ; - Rayna Stamboliyska(https://linuxfr.org/users/malicia) : _J’ai vu _LOL : Logiciel libre, une affaire sérieuse_, franchement, c’est bien :) » (source(https://twitter.com/MaliciaRogue/status/1141802366511001600)).
Est-il à la portée de tout le monde ? ===================================== Je pense que oui. François Zaïdi, le réalisateur‐producteur du film, m’a dit qu’en le réalisant, il avait pensé à sa mère. Pourrait‐elle à la fois regarder le film sans s’ennuyer, comprendre ce qui y est dit et les enjeux qu’il y a derrière le logiciel libre ?
Si c’est un indice, dans la salle, il a été suivi et écouté avec attention (ça se voit et ça s’entend quand les gens s’ennuient).
Des bémols ? ============ Le principal bémol, concerne la présentation des divers intervenants. L’AFUL, l’April, dans le monde du Libre, on connaît. Ailleurs, pas sûr et les sigles ne sont pas développés. Jean‐Baptiste Kempf est présenté comme président de Videolan sans qu’il y soit fait mention de VLC, peut‐être plus connu du grand public. Et, enfin, je me demande s’il n’aurait pas été opportun de mieux préciser à quel titre les universitaires qui sont intervenus s’exprimaient (prof de quoi ?). Ce qui ne met absolument pas en cause la qualité de leurs interventions évidemment, mais leur donnerait peut‐être, ou peut‐être pas, plus de poids.
Le documentaire n’aborde pas le sujet de la vente liée/forcée ou des brevets logiciels : on ne peut évidemment parler de tous les sujets en 57 min. Il y est en revanche question d’interopérabilité ou d’informatique déloyale. __ SOURCE__ URL: https://linuxfr.org/news/lol-une-affaire-serieuse-compte-rendu-de-l-avant-premiere